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Jephté (fille de)
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Livre des Juges
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Suppl. au n° 186. La fille de Jephté Approfondir Épisode scandaleux, il est intéressant de voir quelles solutions les lecteurs de toutes époques ont trouvées pour le rendre compréhensible.
À part celui de Samson et Dalila, qui peut citer un épisode du livre des Juges ? Texte difficile, aux rebondissements apparemment confus et, semble-t-il, sans rapport avec le grand récit d’Israël, le septième livre de la Bible hébraïque n’a pas passionné les générations de croyants. La péricope du sacrifice de la fille de Jephté (Juges 11) mérite pourtant qu’on s’y attarde, au moins pour deux raisons. C’est, d’une part, un épisode très compliqué à décrypter. Pourquoi Jephté fait-il cette promesse inconsidérée à Dieu ; pourquoi celui-ci ne l’en délie-t-il pas ? Pourquoi sa fille se sacrifie-t-elle aussi facilement ? Les difficultés narratives sont nombreuses et il est passionnant de voir les interprètes de toutes les époques se débattre dans les mêmes questionnements que nous, et d’admirer avec quelle intelligence (et parfois quelle roublardise), ils se sont tirés des pièges tendus par le récit. C’est, d’autre part, une tragédie, au sens premier du terme. Deux éthiques s’affrontent en effet : une éthique personnelle, celle d’un père qui semble chérir sa fille et qui affirme vouloir son bien ; une éthique de responsabilité, celle d’un homme politique qui sait qu’il doit sa victoire (et donc le bien de son peuple) à son serment malheureux. Et comme dans toute tragédie, la mort d’un innocent est la clef de l’affrontement. L’innocent est une innocente : à l’instar d’Iphigénie, à laquelle les commentateurs feront parfois référence, le texte brosse le portrait d’une femme courageuse, pure, désintéressée. Une héroïne, au sens propre. Et voici que dans l’histoire de sa réception, ce texte un peu obscur se dévoile tel qu’il est vraiment : la dénonciation par une jeune fille de l’orgueil des mâles. Comme le dit ce grand poète qu’était Edmond Fleg (texte [88]), Jephté n’est qu’un « guerroyeur » qui « s’obstine à souiller d’un refus la clémence divine », tandis que l’oblation de sa fille est un désastre, car son sacrifice est celui de « l’âme d’Israël ». Supplément au Cahier Évangile n° 186, La fille de Jéphté
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